Cette année c’est décidé nous ferons la pujada. Le projet s’est concrétisé et nous en sommes très heureux. La trente cinquième montée au Port de Salau s’est faite dans la bonne humeur et ce sont des retrouvailles festives aux quelles nous avons assisté. La première pujada se fit en 1988 et ce moment d’échange convivial se poursuit depuis.
Le Port de Salau a été depuis le Moyen Âge un point de passage très fréquenté. Par les ports se sont toujours faits les échanges, échanges commerciaux, passage naturel d’un pays voisin à un autre… Ces passages sont facilités par l’utilisation de langues et de cultures soeurs. L’histoire du port de Salau je la connais mal et la Pujada m’a permis d’appréhender quelques bribes de son histoire.
Aller le premier dimanche d’août à la Pujada, c’est bien sûr participer à un échange nécessaire, un échange salutaire où sont partagés vins et fromages dans la bonne humeur et dans un espace sans frontières. Mais c’est aussi prendre connaissance de l’histoire, écouter dès la veille au soir pour ceux qui ont la chance de se retrouver comme je l’ai eue chez la famille Rieu pour un repas amical, les souvenirs des uns et des autres : les passeurs, plus tard les escapades en Catalogne et la guardia civil à deux pas… J’étais toute ouïe en écoutant Annie, Daniel et les autres.



Le lendemain matin le départ se fit tôt de Salau chacun portant sa part de fromage dans son sac. Fromage bien sûr destiné au partage. Tout le long de la montée sur un beau sentier bien tracé des panneaux donnent bien des informations utiles sur l’histoire des lieux, les mouvements de population et aussi l’activité de cette zone de montagne.



Faire la pujada ce n’est pas seulement participer à un échange festif c’est aussi apprendre l’histoire du lieu. Depuis le debut de la guerre d’Espagne jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale des milliers de personnes fuyant la violence empruntèrent les chemins escarpés. Des millions de juifs traversèrent les Pyrénées fuyant la persécution dont ils étaient victimes dans l’Europe occupée par les nazis. Durant la guerre civile espagnole en mai 1938 le Port de Salau permit l’exil de républicains après l’occupation de Pallars Sobira par l’armée franquiste.
Au fur et à mesure de la montée nous nous rendons aussi très vite compte que la montagne a fourmillé d’activités. En effet en approchant du port on remarque des pylônes métalliques, des câbles… qui servirent au transport de bois espagnol destiné à la papèterie. Par câble aérien le bois arrivait à Salau Les vestiges permettent d’imaginer facilement l’activité qui régna sur ces lieux. Le transporteur aérien se composait de trois câbles en acier supportés par quatre vingt onze pylônes. A Bonabé un village vit le jour pour une centaine d’ouvriers majoritairement espagnols. Reste au port de Salau une bâtisse dont les vestiges ont été cristallisés et toutes les informations nécessaires pour appréhender le lieu qui vit le déclin de son activité après la guerre de 1914-1918. La grande râperie de Salau fut alors transférée vers Lédar.



Les pentes qui mènent au port de Salau sont aussi une belle estive où nous rencontrons de grands troupeaux ovins. La montagne vit!



Et en gravissant les pentes jusqu’au Port, le plus surprenant m’a semblé la présence de la jeunesse. L’occitan, je l’ai entendu bien plus que je ne le pensais et parlé par des jeunes soucieux de la transmission. Bonne ambiance au Port de Salau : danse, musique mais aussi préoccupations exprimées pour continuer à faire vivre nos langues et nos cultures si proches.





Le premier dimanche d’août La Pujada est une manifestation à ne pas manquer. Si langues et cultures régionales sont fragiles un vent d’espoir souffle à Salau et la volonté de transmission est bien présente dans cet échange entre régions voisines qui doit sans aucun doute se perpétuer.